Biographie

photo de irene jacobIrène et Francis Jacob sont d’accord sur beaucoup de choses, mais pas sur les nombres. Par exemple, Irène considère qu’elle a connu Francis à quelques heures de vie. C’était le plus jeune de ses trois grands frères, il avait cinq ans de plus qu’elle, et elle se l’imagine volontiers penché sur son berceau à la maternité. Francis, de son côté se rappelle avoir rencontré Irène quand elle avait déjà un an. Avant cela, lui a dit leur mère, il devait être tellement jaloux qu’il faisait comme si elle n’existait pas.

Sur le nombre de chansons contenues dans l’album, ils ne s’accordent pas non plus. Treize, avance Irène (pour qui c’est peut-être un porte-bonheur). Onze corrige Francis (qui redoute davantage les mauvais sorts), plus deux bonus, ajoute-t-il.

Quant au début du travail sur En bas de chez moi, Francis le fait remonter à quatre ans, alors qu’Irène opte pour trois, mais peut-être est-ce l’inverse.

Et puis les chiffres, ce n’est peut-être pas si important, finalement, parce que c’est dans la musique que le frère et la sœur se retrouvent. Grâce à elle peut-on dire, car dans leur jeune âge adulte, après une brève cohabitation (deux ans, peut-être trois ? Mais on a dit qu’on arrêtait avec les chiffres) dans un appartement à Guy Moquet, ils sont séparés par un océan. Irène devient comédienne à Paris et Francis, musicien à New York aux Etats Unis après une étape à Rio de Janeiro.

J’ai envie de faire un flash-back avant d’enchaîner sur les retrouvailles. Retournons, alors que nous venons à peine de le quitter, dans l’appartement radieux de la rue Guy Moquet. Par la fenêtre Irène aperçoit un pianiste, un compositeur, il devient son amoureux. A côté de cette fenêtre (mettons… après tout, je n’y étais pas, je ne fais qu’imaginer) pend un torchon qu’on ne change jamais car, quand on a dix-huit ou vingt ans, c’est bien connu, les torchons sont auto-nettoyants. Et derrière ce torchon, que je soulève un instant face à vos yeux indiscrets et ébahis, pousse quelque chose : une plante. Elle a de jolies feuilles vertes, malgré la pénombre prodiguée par le chiffon. C’est une pomme de terre qu’on a oublié de manger et qui a germé. C’est émouvant, alors on la laisse là, pousser en cachette.

C’est une métaphore. La métaphore de la plante vaillante et du système rhizomique qui s’appliquent aussi bien l’un que l’autre à la création, quelle qu’elle soit. En bas de chez moi, ce tout nouvel album, je le vois un peu comme ça, comme une pousse nouvelle, secrète, patiente, qui ravit par surprise. Il y a quelques années, Francis et Irène, après la mort de leur père, ont commencé à faire de la musique ensemble, sans plus de préméditation. Il était un guitariste exigeant, elle avait une voix naturelle et un corps agile. La plante a grandi. Irène chante autant qu’elle dit, elle raconte. Francis compose, il joue, il rythme. Il est sévère mais juste, elle est souple et rigoureuse. C’est une histoire qui commence et qui continue bien.

                                                                                                                      Agnès Desarthe

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